« SEINPHONIE » – Hymne en l’honneur de tous ces seins disparus et à tous les autres

  • Post published:22 octobre 2021
  • Post category:Solidarité / TOUT
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La vie est faite, entre-autre, de rencontres, de relations humaines et d’histoires qui bien qu’elles aient leurs facettes dramatiques sont tout autant porteuses de joie et d’espoir quand on veut bien y porter attention. L’occasion m’est donnée de m’exprimer sur l’amitié et l’amour, de danser avec les mots pour vous parler de ces maux qui nous donnent souvent le vertige et derrière lesquels se découvrent des trésors d’humanité.

crédit : Caroline Tardy - Seinphonie The Mag magazine Lyon
Dessin realisé par Caroline Tardy

Ce jour là, mon amie Sandrine m’appelait au téléphone pour me confier « mes seins ont disparu » ; le ton de sa voix traduisait une évidence et un calme qui nous mis instantanément dans une bulle d’amour qui nous accompagna tout au long de notre conversation. Cet aveu avait une résonance allant au-delà du constat, elle touchait à quelque chose de nouveau !

Ensemble nous avions déjà eu des conversations profondes, elle avait ressenti le besoin à une époque de me montrer sa poitrine abîmée, rongée par la chimio. Ce n’était pas la première à me demander d’être témoin de la mutilation de ses attributs du féminin. Une autre amie quelques années plus tôt m’avait aussi mise face à son corps meurtri.

Je ne sais pas si toutes les femmes atteintes du cancer du sein ont ressenti un jour ce besoin de montrer à une amie ce qu’elles vivent dans leur chair ; deux fois je l’ai accepté, découvrant grâce à elles la possibilité de témoigner depuis un autre point de regard et d’honorer notre amitié.

Je me souviens de ces deux moments d’exception entre femmes. Une fois la surprise passée et mon accord donné, j’ai eu le sentiment de me retrouver dans l’antichambre de l’Etre, dans un espace de l’intime en dehors des apparences, du genre et du temps. Je les ai regardé sans détourner le regard, reconnaissant ça et là un pli, une forme, une rougeur, une croûte, la carte de leur nouveau monde ; j’entendais leurs peines, leurs souffrances, leurs zones sensibles, mais aussi leurs projets, leurs espoirs, leurs questionnements. Devant moi ces femmes me renvoyaient, tant par l’expression de leurs fragilités que de leurs forces, une puissante leçon d’humanité. Je me retrouvais tel un petit enfant naïf et subjuguée par toutes les possibilités de la création, à penser, à agir, à œuvrer face à l’adversité.

Faut-il que la vie nous échappe pour que nous considérions notre potentiel et la force de nos propres ressources ? Une maladie ne parle pas seulement à celui qui la vit, elle s’adresse à des parts de nous que parfois nous ignorons ou négligeons. La maladie d’un ami ou d’une personne de la famille nous touche, nous émeu, nous bouleverse, de nombreux points de repère se déplacent apportant de l’inconfort qu’il n’est pas toujours possible de dépasser pour faire face à cet autre malade et l’accompagner avec dignité.

Ces amies, m’ont aussi raccordé sans le savoir à ma lignée de femmes, à mon arrière-grand-mère, Marie décédée suite à une opération du sein en 1929 ; Depuis, bien heureusement les techniques ont évolués donnant plus de chance à la vie.  Reliance à sa fille, ma grand-mère orpheline à 9 ans qui vers 60 ans, suite à une opération à cœur ouvert se retrouva avec une cicatrice boursoufflée dont elle aimait à dire que c’était son troisième sein, peut-être  un de ceux disparu de sa mère?

Alors ce jour là, quand Sandrine me parla de ses seins disparus, plutôt que de la plaindre, de la considérer en victime, je lui ai partagé une pensée qui me traversait : son état  lui permettait peut-être de toucher au précieux en elle, à l’ÊTRE qui se tapit souvent derrière un genre que nous revendiquons.

A chaque bout du fil, le temps s’est suspendu, s’il y avait eu une musique s’aurait été un hymne à la joie, cette joie de vivre qui nous rassemblait avec cette soeur de coeur.

« Oui, je vois très bien ce que tu veux dire, je suis ce que je suis, c’est effectivement à cet essentiel que je touche »… Quelques semaines plus tard Sandrine s’en est allée, laissant en moi un profond sentiment de gratitude…

Nos seins de femme ont une onde portée, même s’ils ont disparu, si des rayons ont inversé leur courbure, quelles que soient leurs formes, ils sont inscrits dans notre mémoire collective, de fille, de mère, de grand-mère, ils sont les contreforts de notre sensibilité féminine. Parfois lourds ou discrets, ils n’en sont pas moins précieux et mériteraient qu’on use de délicatesse à leur contact.

« Seinphonie » est un hymne à tous ces seins disparus et à tous les autres pour inviter les hommes comme les femmes à regarder au-delà du genre pour voir l’Etre qui nous fait face dans son humanité et le précieux de sa vie.

A Marie, Christiane et Sandrine … de précieuses inspiratrices !

Caroline tardy - Seinphonie The Mag magazine Lyon

Caroline TARDY
Créatrice et consultante relationnelle

Entretiens et ateliers d’expressions de soi(e)
Foulards et impressions textiles
Peintures originales

www.lescreationsaucoeurdusujet.com

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