Après des années d’errance et de doute sur leur avenir professionnel, Antoine, sa femme Mathilde et leurs deux enfants sont désormais installés sur la commune de SAINT-ROMAIN-DE-POPEY (canton de l’Arbresle). Ils ont finalement choisi une voie pour laquelle ni l’un ni l’autre n’était prédestiné…
Lorsqu’on rencontre ce jeune couple, c’est avant tout une extrême douceur et une grande sérénité qui se dégagent de Mathilde et Antoine. Lui, maraicher en devenir, elle céramiste autodidacte installée à l’Arbresle. La terre, ils ne l’ont pas eu en héritage, c’est elle qui s’est imposée à eux après plusieurs années de doutes sur ce que serait leur vie professionnelle.
Antoine est originaire de la Drôme, et c’est assez jeune qu’il débarque en banlieue lyonnaise avec sa maman. Dès son arrivée en ville, Antoine ressent un certain malaise, lui qui est passé sans transition d’une vie campagnarde à la vie urbaine alors âgé de seulement 8 ans.
S’en suivent des années de “galères” dans un contexte familial où il manque de repères, une histoire d’enfance difficile et un total décrochage scolaire à l’âge de 15 ans; Antoine ne se retrouve absolument pas dans le système sociétal et économique qu’on lui propose.
Il consomme sa vie à vive allure, ne s’épargne aucun excès. Malgré plusieurs tentatives d’orientation, l’avenir semble peu optimiste pour Antoine qui enchaine les petits boulots alimentaires avec peu de perspective d’avenir.
Mais une rencontre fortuite dans un commerce alimentaire biologique va renverser sa destinée.
Enfin, Antoine rencontre des gens pour qui il éprouve confiance et respect… des gens qu’il qualifie lui-même de « personnes inspirantes », qui vont lui ouvrir des portes, l’aider à se sortir de ses galères. Il donne du sens à sa vie “même si nous ne faisons pas passer sur Terre, nous devons faire notre part pour le bien commun”.
Sorti de cette mentalité destructrice, dans un état d’esprit plus positif, il va rencontrer celle qui deviendra sa femme, Mathilde en 2015, toujours dans le même magasin d’alimentation biologique où il travaille.
Pourtant Mathilde de son côté n’est pas vraiment « posée » elle non plus.
Jeune femme originaire des Vosges, elle a quitté le cocon familial assez jeune, en opposition avec ce que ses parents voulaient pour elle. « Mes parents me disaient il faut que tu fasses un truc où tu auras toujours du boulot”. Je voulais faire un métier passion mais j’ai eu du mal à trouver ma voie.
Elle finira par faire tout l’inverse de ce que ses parents voulaient pour elle.
« Depuis gamine j’étais conditionnée pour avoir un métier plutôt cérébral, et je n’ai jamais été mise sur la voie du travail manuel »
Ses choix l’ont aussi conduit vers une vie d’excès. Elle a connu la vie dans la rue, la survie grâce aux petits boulots, les dangers des mauvaises rencontres pour une jeune fille comme elle… Mais aussi parfois, des rencontres heureuses qui la sortiront de la misère pour une ambiance à l’opposé de son quotidien.
« Je n’ai jamais eu un déclic à un instant T, j’ai fait confiance à mes rencontres »
Novice, elle apprend le métier de barmaid dans un environnement jet-set assez exigeant dont elle ne connait rien. « Caméléon, je m’adapte de partout » nous dit Mathilde.
Puis lui vient l’envie de travailler dans le secteur de l’événementiel. C’est ainsi qu’elle suit une formation aux métiers techniques du spectacle et se retrouvera rapidement en tournée en tant que technicienne lumières notamment pour le Cirque Bouglione. A l’âge de 26 ans, un peu par hasard elle arrive à LYON et rencontre Antoine dans les rayons de la boutique où elle fait ses courses.
« Grâce à Mathilde j’ai appris à être moins excessif, être plus dans l’équilibre » raconte Antoine. Il souhaite donner un sens à sa vie, et construire quelque chose.
C’est ainsi qu’il entame en 2017/2018 un Brevet Professionel de Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA) axé “maraichage bio”. « L’agriculture a une place fondamentale dans notre société d’un point de vue de l’emploi, de l’intégration. L’agriculture doit être salvatrice » pense Antoine.
La campagne devient sa porte de sortie vers un avenir meilleur : « je pensais que ça ne serait pas possible pour moi d’entrer dans l’agriculture, je pensais qu’on devenait agriculteur de père en fils et je n’imaginais pas que c’était possible ».
Quand on lui demande quel type d’agriculteur il est ? Il répond : « je ne me sens pas encore agriculteur ». Son courant de pensée est celui du respect du vivant ; le maraichage sur sol vivant ou le maraichage bio-intensif sur petites surfaces.
Pendant ce temps-là, Mathilde découvre son rapport à la terre également grâce à une céramiste que lui présente Antoine, une amie à lui. Au départ un simple loisir, Mathilde prend goût à ce métier de l’artisanat et commence à rapporter de la terre à la maison pour créer…
Pour la jeune femme, c’est une révélation, l’artiste Mathilde vient de naitre. « J’ai eu du mal à l’accepter car je n’avais pas une formation “beaux-arts” et je manquais de confiance en moi nous avoue la jeune femme »
Pourtant, très vite elle gagne en confiance et en expertise et se lancera en autodidacte.
C’est à ce moment-là que le jeune couple qui attend son premier enfant choisit de s’installer à la campagne et arrive sur la commune de Saint-Romain-de-Popey.
Avec peu de moyens mais beaucoup d’humanité, ils tissent des liens très forts avec certains habitants du coin et découvrent une communauté qui partage leurs valeurs installée au Château d’Avauges.
Antoine y découvre surtout un potager en friches. Il lui faudra 9 mois pour évaluer la situation et pour se lancer en maraichage sur ce terrain qu’on lui prête et qui est aujourd’hui un potager d’expérimentation.
« A terme, j’espère que ce jardin restera un espace test pour les maraichers en fin de formation qui veulent tester leur projet »
Pendant ce temps-là, la jeune maman a décidé de mettre un terme à son métier dans l’événementiel qui serait incompatible avec leur nouvelle vie de famille. Elle commence à se faire à l’idée qu’elle pourrait faire de la céramique son métier…
Mathilde a désormais sa boutique ART ATMA dans le centre-ville de l’Arbresle et a réussi à faire de sa passion son métier.
Pourtant le pari était audacieux, certains diront même trop risqué. Changer de vie, de carrière en même temps et accueillir un enfant, ce n’était pas gagné d’avance.
Leurs revenus ont été divisés par deux, le ménage vivait avec à peine 20.000 Euros par an « on n’avait plus de quoi joindre les deux bouts ».
Mais leurs convictions restent plus fortes que la raison. Pour eux, la vie est un apprentissage continu et ils assument leurs choix malgré les difficultés.
« On vit notre passion. On a essayé de se faire confiance et on n’a pas eu peur. Il y a eu beaucoup de tensions, mais on a toujours trouvé des solutions ».
Depuis le couple a accueilli son deuxième enfant, il trouve un peu de stabilité au quotidien malgré la précarité de leurs revenus. Mais leur discours est unanime « ce n’est pas l’argent qui commande notre vie, l’argent doit rester un outil ».
Chacun leur tour, Mathilde et Antoine ont eu recours au financement participatif pour leurs projets respectifs. Pour Mathilde, pour acheter un tour et un four pour sa céramique, pour Antoine pour acheter des outils et du matériel pour le maraichage.
« A chaque fois on a été les premiers surpris de notre succès et de l’engouement autour de notre projet. Nous sommes à un tournant de l’économie sociale et solidaire ».
D’ici 10 ans, le projet d’Antoine est d’exploiter la terre en polyculture dans une région où tout reste encore à faire. Antoine et Mathilde suivent leur instinct, ils ne font pas de plan de vie et n’écrivent pas leur projet : « On a envie d’être chez nous, créer un lieu où pourraient cohabiter le maraichage et la céramique. »
Souhaitons-leur une vie heureuse et épanouie, ici ou ailleurs.